rêver d'ailes (extraits)

Alf et Bok sont au travail.

Alf : C'est lourd.

Bok : .................

Alf : Trop lourd.

Bok : ...............

Alf : Trop lourd pour moi.

Bok : ....................

Alf : Oui, je sais : déjà dit.

Bok : ........................

Alf : Déjà dit souvent, oui... Tout le temps, bon.

Bok : ....................

Alf : Mais faut le dire. Quoi faire d'autre ? Quoi faire d'autre que le dire ?

Bok : .....................

Alf : Au moins le dire.

Bok : .....................

Alf : Si petit, moi.

Bok : ...................

Alf : Pas une machine.

Bok : ..................

Alf : Fourmi... Et encore, même pas.

Bok : Si, fourmi, si tu veux. Deux fourmis. Les fourmis portent plus gros qu'elles, portent lourd. Je porte lourd. Tu portes aussi.

Alf : Porte plus ! Porte tout, presque !

Bok : Normal.

Alf : Pourquoi ?

Bok : ................

Alf : Avant, non.

Bok : Suis malade.

Alf : Toujours ! toujours, tu dis...

Bok : Parce que toujours malade ; tu sais bien.

Alf : Sais plus. Sais pas. Te crois plus. Te crois pas. Sais plus rien.

Bok : Avance.

Alf : Et toi ?

Bok : Avance.

Alf : Tu ris.

Bok : Non.

Alf : Tu as ri : j'ai vu !

Bok : Impossible. Peux pas : suis malade.

Alf : Tu as ri, pourtant.

Bok : Impossible, j'ai dit !

Alf : Tu n'as pas ri ?

Bok : Non.

Alf : Tu jures ?

Bok : Pourquoi ? J'ai dit non.

Alf : Tu jures : croix de bois, crois de fer...

Bok : Ca va. Bon, pause.

Alf seul, au repos.

Alf : Peux plus ! Presque mort ! Trop lourd ! Pffffou... Plus de bras, de jambes. Le dos : aïe ! Le cœur : padabong, padabong. La tête, peuh, rien : vide. Forcément, toute la journée... Et presque toute la nuit... En chantant, pareil, pire même : plus dur, plus de souffle. (il essaie de chanter la première chanson - voir annexe - mais le souffle effectivement vient rapidement à lui manquer) Trop lourd, sûr. Trop long : hier, aujourd'hui, demain, après-demain encore, après après-demain, et puis encore... Tout le temps ! Non.

....................................................................................................................................................................

Bok revient, voit Alf les yeux au ciel et réfléchit profondément, puis :

Bok : C'est l'heure.

Alf : .................

Bok : La pause : finie !

Alf : Déjà...

Bok : L'heure, c'est l'heure. Sinon, on prend du retard. Non ?

Alf : Euh, oui. Mais, hé !

Bok : Tu dis ?

Alf : Du retard ? Quel retard ? Du retard pourquoi ?

Bok : C'est la règle. C'est comme ça. Avant nous aussi. Ceux d'avant...

Alf : Et encore ceux d'avant...

Bok : Sans s'arrêter. Pas s'arrêter sinon...

Alf : Sinon quoi ?

Bok : Sinon... (très lourd silence) Sinon, euh, sinon... trop difficile de s'y remettre !... Tu n'arrêteras pas, hein ?

Alf : Je...

Bok : Tu ne le feras pas.

Alf (dans un souffle, pour lui-même) : Je le ferai.

Bok (sans avoir entendu Alf) : On ne peut pas le faire.

Bok est seul et s'adresse au public, à la manière d'un accusé, ou d'un témoin à charge, bref, comme s'il était soumis à un interrogatoire ; il est bouleversé et rassemble ses idées avec difficulté.

Bok : Oui, j'ai vu. J'étais là. J'ai tout vu. Je sais : il était peut-être un peu loin. Juste un point. A peine si... Surtout à la fin. Mais j'ai vu.

Non, je n'ai rien dit. A personne. Personne ne m'aurait cru ! Voler, pensez-vous, personne n'a jamais su voler ! Mais lui, si ! Hélas, il vole !

Au début, il y croyait, il essayait de toutes ses forces. Mais ça ne donnait rien, ça ne décollait pas. Il aurait pu passer à autre chose. Faire du vélo, tiens. Moi, par exemple, moi j'ai essayé une fois d'apprendre à nager. Mais bon. Lui, lui... Il voulait voler. Il a continué. Il a persévéré. Et il a réussi ! Oh, il lui a fallu du temps. Et du courage. Et de la patience. Et de la force, mais de la force il en avait, à force de porter lourd. Maintenant, hein : si haut, si loin, un point et c'est tout...

Et moi, là... Quoi ? De ma faute ? C'est trop fort ! Pourquoi ? Pourquoi moi ?

Moi, là, maintenant, seul, malade, et tout ça, tout ce travail, le lourd aussi...

Abandonné, voilà. Victime. Victime !

Non, beuh, je ne sais pas quand il reviendra, comment voulez-vous que je le sache ? Je ne sais pas s'il reviendra, non. Au printemps, peut-être, hein, comme les hirondelles ?

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