L'ENCLOS (extraits)
Sam : C'est quoi, ça ?
Pik : C'est mon enclos. C'est clos par un petit mur. Il est interdit de sauter par-dessus le petit mur. Défendu aussi de monter dessus.
Sam : C'est tout interdit, alors ? C'est tout défendu ?
Pik : Non : on peut regarder par-dessus le mur. On peut me regarder par-dessus le mur. Mais pas trop.
Sam : Pourquoi pas trop ?
Pik : Parce que ça use : à force d'être regardé, on finit par ressembler à une vieille photo.
Sam : En noir et blanc ?
Pik : Oui. Et puis cornée, pliée, presque effacée.
Sam : Bon : je regarde plus.
Pik : Parce que tu regardais ?
Sam : Un peu. Mais tu ne m'as pas vu regarder ?
Pik : Non : je regardais l'enclos. Je veillais. Je faisais attention.
Sam : Attention à quoi ?
Pik : A l'herbe. Il ne faut pas qu'elle pousse trop. Dès qu'elle pousse : hop !
Sam : Tu devrais avoir un mouton. Avec un mouton, l'herbe ne pousse pas trop. Si elle pousse trop, le mouton la mange.
Pik : Ah bon ?
Sam : Oui.
Pik : C'est qu'un mouton, j'ai pas l'habitude.
Sam : T'as jamais vu de mouton ?
Pik : Chais pas.
Sam : Bon, je te dessine un mouton.
(En deux coups de crayon, Sam dessine un mouton ; son dessin apparaît en très grand sur un écran)
Sam : Voilà. Si tu veux, je peux te faire plusieurs moutons, un un troupeau de moutons.
(En trois coups de crayon, Sam dessine tout un troupeau de moutons ; son dessin envahit la totalité de l'écran)
Pik : La vache !
Sam : Non : c'est des moutons, c'est tout.
Pik : Sûr, c'est pas rien ! Je veux pas de mouton : j'ai pas l'habitude d'être dans l'enclos avec quelqu'un : d'habitude, je suis tout seul.
Sam : Un mouton, c'est pas quelqu'un.
Pik : Tu crois ?
Sam : Mais moi, je suis quelqu'un.
Pik : Ben oui. Plus qu'un mouton.
Sam : Si tu veux, pour t'habituer, tu me prends avec toi dans l'enclos et puis au bout d'un moment tu prends un mouton.
Pik : Ce sera plus facile, comme ça ?
Sam : Oui.
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Pik : Moi, c'est pas pareil.
Sam : Pourquoi ?
Pik : Je suis moins nombreux : je suis qu'un.
Sam : Hé, moi aussi, je suis qu'un !
Pik : Mais quand tu seras entré, on sera deux.
Sam : Non : tu seras toujours que un, je serai toujours que un : on sera un plus un. Au maximum.
Pik : Tu es sûr ?
Sam : Oui.
Pik : Un plus un, ça fait pas deux ?
Sam : Ca ferait deux s'il y avait un troisième pour nous voir. Il dirait : « Tiens, ils sont deux. »
Pik : Ben...
Sam : Je te regarde, tu me regardes : on n'en voit qu'un.
Pik : Euh...
Sam : Essayons. Regarde-moi. Je suis combien ?
Pik : Ben un.
Sam : Bon. Je te regarde : je n'en vois qu'un.
Pik : Forcément.
Sam : Tu vois : tant qu'on n'est pas trois, on n'est pas deux !