Du fil à retordre
Je ne donne ici qu'un bref extrait de ce travail, "l'oratorio des moulineuses" :
Le temps, pour nous, c'est cette horloge
Du dortoir à l'atelier
De l'atelier au réfectoire
Cinquante pas peut-être
Dans toute une journée
Je deviens quelque fois comme les petits enfants
Je ne sais plus si c'est la matinée ou si le jour va se finir
C'est que tout est si long
Dans mon dos
Derrière les fenêtres jamais ouvertes
Les peupliers sont en bourgeons
Ou bien en feuilles
Ou bien sans feuilles
Je suis entre le moulin et le reste
Tout le reste
Et je regarde le moulin
Toujours le même air
La même poussière de soie
La même température
La même humidité
C'est le fil qui veut ça
Peu de paroles : on ne s'entendrait pas
Des quintes de toux, oui
Et des éclats de rire
Vite étouffés
Le temps est dans les reins
Dans les jambes
Et surtout le matin
Avec les courbatures
Dimanche, à la maison
Un autre temps est là
Un temps qu'on peut sentir
Qu'on peut presque toucher
Un temps d'angélus, de chèvrefeuille et de pain chaud
Mais ça va si vite
Saisir, tenir
Embrasser ce temps-là, avant...
Avant le long chemin
Le portail
L'atelier
L'horloge
Et cette poussière d'or
Menteuse comme un brouillard d'été
Qui durerait toujours